« Chacun de nous est la somme de tous les instants que l'on a vécue, avec toutes les personnes que l'on a connues et ce sont ces instants qui écrivent notre histoire. C'est comme notre propre compilation personnelle de souvenirs, qu'on repasse et repasse en boucle, sans arrêt. » Quelques mètres, seuls quelques mètres et une existence peut-être réduite à néant, effacée ou même tourmentée par des blessures irréparables, des blessures qui fendent le cœur, formant des cicatrices en son âtre qui jamais ne s'arrêtent de saigner, qui jamais ne s'arrêtent de pleurer. Une odeur de rouille et une eau des plus troubles, poisseuse, qui s'insinue dans ses narines sans résistances. Du noir, rien que du noir. À perte de vue, puisqu'il n'y a que ça à voir. Méandres d'un dessein qui s’enfuit, las d'une vie sans songes, sans lumière. Alors que les âmes se recueillent sur un corps frêle et sans essence, des doigts se mouvent, lentement. Un frisson suspens l'instant. Les pleurs éclatent, sans jamais trouver leur véritable genèse, bonne ou mauvaise. Une joie de retrouver l'être aimé, une peur qui s'avoue. Si jamais ? Et si jamais le cerveau n'était qu'un organe sans protection, fragile et fort à la fois . Un organe capricieux, qui n'accepte jamais la facilité d'une résurrection certaine, aussi bonne soit-elle. Et quand tout disparaît, quand les fragments se détachent, pour devenir solitaires, sans vouloir montrer l’existence, ce qui a compté jusqu'à présent. Des idées s’entrechoquent, des questions se posent, mais les réponses ne viennent jamais, laissant un horrible sentiment d'abandon, d’insuffisance. On raconte que les sorciers sont des êtes extraordinaires. On dit beaucoup de choses. Mais ces choses ne sont que dérisoires face aux caprices de la vie. « Vous savez, le cerveau n'en fait souvent qu'à sa tête. Chaque traumatisme est différent, c'est pour cette unique raison qu'on ne peut se projeter sur son cas. Les maux de tête dureront, longtemps, peut tête toute une vie. Peut-être qu'ils cesseront demain, mais les souvenirs ne refleuriront pas au printemps. Il faut du temps, beaucoup de temps. » Alors des larmes roulent sur les joues quand des yeux s'ouvrent enfin. Encore. Mais les yeux ne cherchent rien, les yeux n'expriment rien. Juste du néant, du vide. Un regard usé de toutes ses blessures. Des yeux se posent sur d'autres sans comprendre, sans aucun rattachement. La vie a fragmenté son existence, a brûlé ses souvenirs comme un papier jauni. Et les années sont passées, les souvenirs se sont reformés, un peu. Comme apercevoir son reflet à travers une vitre embrumée. Une recomposition approximative qu'on s'est obligé à reconstruire. « Jamais plus je ne laisserai son esprit vagabonder et m'abandonner lâchement. C'est pour ça que l'acharnement au travail m'est indispensable. De cette façon, je garde une part d'identité, de savoir qui ne pourra jamais m'être retiré. »  









Un sourire a parcouru des lèvres charnues et gercées, qu'elle a regardées sans comprendre, sans s'imaginer que quelques instants plus tôt, elles s'étaient posé sur d'autres, les engloutissant, mordillant ses extrémités avec passion. Elle n'a pas eu envie de refusé, ni même la force de le faire. Alors elle est restée stoïque face à un visage pâle et des courts cheveux bruns. Pourtant, alors qu'elle a l'infime gloire de briller parmi les nombreux érudits, elle ne se sent pas à la hauteur d'endosser le rôle d'enseignant à son tour. « Alors ? S'il te plaît, accepte. Il faut vraiment que je réussisse cet examen, sinon le quidditch, c'est terminé pour moi. Tu es la seule qui puisse m'aider, je le sais, et tu le sais aussi bien que moi. Je ne te demanderai rien, je te payerai même, s'il le faut. Si tu as peur de moi, de mes couleurs, rejoignons-nous dans un lieu public. Crois-tu que j'aurai mis ma fierté de côté si je ne savais pas les conséquences imminentes de mes échecs scolaires ? » Elle a hoché la tête, regrettant aussitôt son geste, mais les mots lui ont manqué et, elle l'avoue, la pitié l'a gagné.
Sa robe de sorcier trempée, qu'elle resserre contre son corps frêle, traîne contre le sol enneigé du village. Le froid téméraire pénètre, à travers ses étaux de vêtements, parcoure sa peau et lui arrache des frissons, descendant le long de son échine dans une sensation désagréable, qu'elle hait par-dessus tout. Elle a les lèvres bleues, tremblantes, qui n'attendent que le réconfort d'un chocolat, les réchauffant peu à peu. Le ciel orageux éclate alors qu'elle pénètre dans l'enceinte du bar. Elle regrette d'être venue, dès qu'elle a posé les pieds dehors, ce soir. Une crainte de se retrouver dans ce lieu morbide et salle. Alors, elle a averti son frère, frère tant protecteur et bienveillant envers elle. Elle lui a chuchoté quelques mots, au creux de son cou. « Bonsoir, Ludwig. Je me demande bien pour quelle raison tu as choisi la Tête de Sanglier, qui est pour moi de loin l'un des lieux les plus étranges et mal fréquentés du village. Enfin, finissons rapidement, j'ai des choses à faire, ce soir. »
Des explications qui s'écrasent dans le vent, inintéressantes aux yeux du vert et argent qui regarde dans le vide, un rictus aux lèvres. Elle a les yeux et l'esprit bloqué sur son parchemin. Une sagesse qu'on ne veut pas trop approcher, qu'on ne veut pas toucher, de peur de l'attraper. Alors elle ne voit pas, elle ne voit plus que les mots et n'entend plus que le son de sa voix qui explique, encore et toujours, les mêmes phrases. La sensation d'un mouvement à sa droite lui fait tourner la tête. Face à elle, un morceau de bois qu'elle ne connaît que trop bien. Un mouvement de recul, un froncement de sourcils, une main qui tremble sans s'en rendre compte. « petrificus totalus »
Un bruit sourd, un sifflement qui résonne dans son esprit sans qu'elle puisse y mettre fin. Un regard, posé sur des lambeaux de peintures qui manque de s’écraser contre le sol. Et la douleur est trop forte, l'odeur trop nauséeuse. Les rires, trop perçant contre ses oreilles. Des mains la touchent, lui écorchent la peau, faisant couler le sang le long de son corps à moitié dénudé. Elle boue, intérieurement, elle boue. Elle a la haine, les larmes aux bords des yeux ne voulant pas couler, ne voulant pas se montrer. Une fierté bafouée. Des actes, qu'elle se condamne d'avoir provoqués. Une naïveté, qu'elle brûlerait, si seulement elle le pouvait. « Tu ne dis plus rien, à présent, gourgandine. Rat de bibliothèque. Ton intelligence a bien des limites, n'est-ce pas ? » des rires. « Tu vois, chérie, tu n'avais pas a voir peur d'être évincé par elle, elle n'est même pas capable de se défendre. Regarde là. Douée. Tu parles, elle n'est rien... » Le bruit de l'amour. Des baisés qui accroche le coeur. « expelliarmus ! » Un cri torturant le silence, une âme qui s'élève lentement, quittant son corps sans s'accrocher. Dansant, elle rejoint les cieux, cachée au regard de tous. « bouge de là, la grosse, où je t'éclate la tête contre le mur. » sanglots qui se taisent à mesure que les pas s'éloignent. Des liens qui se délient, des mains qui ont la force d'attraper son visage. Des bras qui en rejoignent d'autres, les larmes qui osent couler, enfin. Une délivrance, serrer le corps de l'autre contre le sien, humer l'odeur singulière de sa peau. « Je l'ai tué, Ariane. De la rage, je l'ai tué. » Un visage qui devient pâle. « Je l'ai tué. »









Des draps salles et chauds, poisseux, qui lui collent à la peau. Et les souvenirs de la veille se transforment en images rafales qui lui torturent l'esprit. Des yeux bleus qui s'approchent des siens, électrisants. Ses forces et son esprit qui l'abandonne, se laissant aller, cédant totalement à la tentation qu'elle s'est juré qu'ignorer de nombreuses fois. Un frisson, un baiser. Un désir charnel avide d'être assouvi. Deux âmes contraires qui s'attirent, se repoussent sans ménagement, attendant que l'autre cède, que l'autre devienne fou, qu'il rompt les barrières. La chaleur est étouffante, l'odeur suave d'une nuit blanche emplit la pièce, réduisant la peine de sa solitude certaine. La pièce est vide, remplie de remords et de regrets. De tout ce qu'elle n'a pas fait et de tout ce qu'elle a fait. Elle regrette, oh, oui, elle regrette. Des pieds, nus, entre en contact avec le sol alors qu'elle décide enfin de se lever. Elle se sent horriblement abusée, salie. Plus que jamais. Ni l'eau brûlante, ni l'eau glacée ni ont changé quelque chose. Les souvenirs sont omniprésents, destructeurs. Elle ne veut plus sortir, ne veut plus jamais sortir pour revoir ce regard pécheur et glacial qui la perturbe au plus haut point. Elle a honte, honte d'avoir donné son corps, honte de s'être laissé aller sans penser aux conséquences.
Des pas claquent dans le couloir du septième étage, devant elle, des cheveux blonds et une démarche hautaine qu'elle ne reconnaît que trop bien. La rage qui boue en elle est prête à exploser. Une haine, puissante, qui tord ses tripes et glace son sang. Une douloureuse douceur qui râpe la gorge. « Lufkin. » Une voix fragile, mal assurée, tremblante. Il se retourne. Leurs regards se croisent. Ses yeux se froncent, lui transmettant la haine immense qu'elle possède en son être. Elle rit. Un rire rauque et cassé. « Un problème, peut-être ? Évite de m'importuner, mon temps n'est pas à toi. » Des larmes de colère aux bords des yeux. « Quel beau lâche. C'est incroyable d'être autant idiot et égoïste. C'est dur d'assumer ses erreurs, n'est-ce pas ? C'est bien pour cette raison que nous n'aurions jamais rien en commun, toi et moi. La vérité, c'est que tu es resté le même qu'il y a quelques années. Sans aucune évolution intuitive. Sans rien. Tu n'es rien. Et tu resteras néant, pour toujours. Plus le temps passera, plus tu sombreras dans l'oublie, glorieux sort représentant la lâcheté de ton être. » Un rictus désabusé qui perce sur des lèvres rosés. « Sans doutes, mais de n'importe quelle manière soit-il, si je sombre, tu sombres avec moi. »